Saint-Martin : une gestion intelligente du risque requin après l’attaque du 10 décembre.

Après l’attaque de requin mortelle du jeudi 10 décembre, la préfecture de Saint-Martin prend des mesures pour une gestion intelligente du risque requin.

Les faits

Le 10 décembre 2020, une nageuse française est décédée à Saint-Martin, suite à de multiples morsures de requin. L’attaque s’est produite à environ 150 mètres du rivage. Un squale l’a mordue à plusieurs reprises, lui sectionnant une jambe. La victime n’a pas survécu à ses blessures. Les autorités ont alors immédiatement pris la décision d’interdire la baignade et toutes les activités nautiques.

Des mesures intelligentes

Des scientifiques experts en requins de Guadeloupe et de Polynésie, en collaboration avec les scientifiques de la Réserve naturelle de Saint-Martin et les autorités ont défini de nouvelles mesures pour une gestion intelligente du risque requin. Une mesure importante a consisté à retirer tous les «aménagements flottants type bouée, les plateformes aquatiques, les pontons mobiles, les corps-morts et les trampolines situés en milieu de baie». Ces aménagements  «font office de DCP (dispositif de concentration de poissons) et peuvent générer un danger», a expliqué Daniel Gibbs, président du conseil territorial de Saint-Martin. De fait, les DCP attirent les poissons qui constituent autant de proies potentielles pour les requins.

Il est également interdit de pratiquer le nourrissage des requins (« feeding »), ainsi que la «pêche appâtée». De plus, les rejets organiques en mer ou l’utilisation de nuit d’éclairages et de foyers lumineux à proximité des zones de baignades sont interdits. En outre, il est toujours fortement recommandé d’éviter la baignade de nuit, au crépuscule et lorsque l’eau est trouble, comme après la pluie notamment. La surveillance des plages va se poursuivre durant les prochaines semaines pour rassurer la population et «éviter la psychose et la peur bleue», a déclaré le nouveau préfet de Saint-Martin Serge Gouteyron.

Par ailleurs, les autorités n’ont mené aucune « pêche punitive ». Faut-il préciser que les (vrais) spécialistes les reconnaissent totalement inutiles ? Le préfet a également indiqué que « Cet accident est un événement grave mais exceptionnel.» Pour mémoire, «seules cinq morsures mortelles se sont produites dans les Caraïbes ces 10 dernières années», a rappelé Daniel Gibbs.

Saint-Martin versus La Réunion

On ne peut qu’observer la différence, d’une île à l’autre, d’un océan à l’autre, dans le traitement d’une problématique similaire. A La Réunion, depuis 2012, l’Etat a dépensé environ 20 millions d’euros pour la gestion de la soi-disant « crise requin ». « Soi-disant », car le terme le plus approprié serait « shark business » étant donné les revenus générés pour certains. Si la baignade et certaines activités nautiques sont interdites par arrêté préfectoral depuis 2013, de nombreux surfeurs s’en moquent et continuent de surfer. Il n’y a pas moins de 57 DCP autour de La Réunion. Les déchets organiques continuent d’être rejetés dans les ports. Et on appâte les requins 24h/24, 7j/7, y compris dans la réserve marine, à 300 m des plages… Sans compter que les pêches punitives se succèdent dès que l’on croit avoir aperçu un aileron.

Il faut dire que les « spécialistes » requins de La Réunion sont des pêcheurs, des surfeurs, des associations pro-pêche très virulentes. Ils n’ont aucune connaissance ou vision globale de la biodiversité, ni d’approche scientifique. A ce rythme-là, il ne faudra pas s’étonner qu’il y ait, dans l’avenir, de nouvelles victimes à La Réunion. Car on ne peut pas tuer la vie marine sans discernement comme on le fait localement, sans respecter les mesures de prévention, et sans finir par en payer les conséquences.

Le massacre de la biodiversité marine à La Réunion

Pour rappel, de fin mars 2018 au 30 novembre 2020, deux accidents mortels ont eu lieu à La Réunion (en janvier et mai 2019 ). Le Centre Sécurité Requin, grâce à des centaines de kilos d’appâts, a obtenu le massacre de 43 requins bouledogues (soit 7 % des prises), 173 requins tigres (27 % des prises pour 1 seul accident mortel en 20 ans …), et 424 prises accessoires, soit 66% des prises déclarées, majoritairement des espèces figurant sur la liste rouge de l’UICN. Il s’agit de:

116 raies (raies aigles, Manta, et pastenagues ),

35 raies guitares (EN danger critique d’extinction),

50 requins marteaux halicornes (EN danger critique d’extinction),

6 requins nourrices fauves (VUlnerables), 6 tortues vertes (EN danger ),

6 requins cuivres (NT quasi menacés),

3 requins émisoles,

3 requins d’estuaires (VUlnerables),

2 requins gris de récif (EN danger),

5 requins marteaux communs (VUlnerables),

2 requins pointe blanche de récif (VUlnerables),

28 requins sagrins,

1 requin mako (EN danger critique d’extinction).

La liste ne s’arrête pas là : il y a aussi des mérous, carangues, murènes, lutjans, capitaines, diodons, barracudas, thons …. et même une langouste. Et ce ne sont que les animaux déclarés, sur 2 ans et demi. A notre connaissance, les précédents programmes Cap Requin n’ont pas communiqué de chiffres sur les prises accessoires entre 2013 et 2018. Cela donne une idée de l’hécatombe qui a lieu à La Réunion, même pendant les confinements.

(sources : info-requin.re via Contre la pêche des requins à la Réunion, IUCN red list)