La Réunion : les chiffres du massacre des requins

Des chiffres officiels

Les chiffres des sources officielles de la pêche au requin à La Réunion sont à examiner à la loupe. Il y a ceux qui ont été publiés par le Centre de Sécurité Requin depuis 2018, date de la création du CSR, et ceux publiés antérieurement par le site officiel www.info-requin.re. Ces derniers varient régulièrement, disparaissent, ne sont pas mis à jour … Heureusement, nos associations les ont compilés depuis 2011 à partir de ces sources officielles. Merci à l’association VAGUES qui poursuit ce travail minutieux et nous permet de ne pas oublier la réalité de cette pêche dévastatrice et inutile. En effet, cette pêche engendre le massacre d’espèces marines menacées et ne résout en rien la question de sécurisation.

Majoration nécessaire des chiffres officiels

Il va sans dire que ces chiffres étant officiels, il convient de les majorer. En effet, en matière de pêche, tous les spécialistes le confirmeront, les chiffres officiels de pêche sont toujours en-deçà de ceux publiés. Cela signifie qu’il faudrait ajouter de 20% à 50% aux chiffres officiels de capture, parfois plus … À La Réunion, cette pêche est menée de bout en bout par les pêcheurs. Pas d’observateurs extérieurs : les pêcheurs eux-mêmes remplissent cette fonction. Ils choisissent où et quand poser les palangres ; ils filment ou pas ; ils rapportent les chiffres des prises et témoignent de l’état des animaux capturés sur leur simple parole … Bref, ils sont juge et partie. C’est vrai qu’ils sont bien payés …

Bilan en chiffres cumulés

De 2011 jusqu’au 31 mai 2023, ce sont 696 requins ciblés qui ont été tués officiellement. Cela signifie qu’en 12 ans, 517 requins tigres et 179 requins bouledogues ont été « prélevés », des animaux adultes, des juvéniles, des femelles gravides sans distinction.

Comment expliquer cette différence de nombres entre les deux espèces ? Le requin tigre est un animal imposant surnommé parfois « la poubelle des mers ». Il est donc systématiquement attiré par un appât, ce qui rend sa capture relativement facile. Toutefois, l’espèce n’est impliquée que dans un seul accident mortel en 25 ans. Alors pourquoi poursuivre ce massacre ? Et pourquoi appâter des animaux près du rivage ? Probablement que l’argent est un mobile. En revanche, le requin bouledogue, impliqué dans plusieurs accidents, n’est pas facile à capturer. La preuve est là : peu de bouledogues capturés. D’ailleurs, depuis le début de 2023, il n’y a eu « que » deux animaux tués, et non trois comme indiqué par erreur par le Centre Sécurité Requin ; le troisième ayant été tué en novembre 2022. Parmi ces victimes, on trouve des requins immatures, des femelles gestantes. Cela diminue les chances de reproduction pour ces espèces fragiles.

Pourquoi autant de requins tigres et « peu » de requins bouledogues ?

En somme, une espèce facile à pêcher sur appât mais peu impliquée dans les derniers accidents est décimée, alors que l’autre espèce, plus impliquée, ne se fait pas capturer. Vous me direz : « Oui, mais quand même 179 bouledogues pêchés ! » En effet, pourquoi ce « succès » ? Parce que les pêcheurs sortent toute l’année (y compris pendant le confinement COVID) et que les heures de pêche passées en mer – à 500 m du rivage – sont faramineuses… Aucune pêcherie privée n’aurait pu se permettre de passer autant d’heures pour si peu de résultat. De fait, depuis le 29 mars 2018, – il n’y a pas d’information accessible avant cette date -, le nombre d’heures de pêche est de 146 701 heures, dont plus de 69 000 – soit 42% – dans la Réserve marine nationale. Une hérésie.

Victimes collatérales

Il ne faut pas les oublier. Toujours depuis le 29 mars 2018, ce sont 65 requins marteaux halicornes qui ont été tués, contre 57 requins bouledogues. Le requin marteau halicorne est une espèce en danger critique d’extinction et notoirement inoffensive. Le dernier requin marteau halicorne pêché ne fait pourtant l’objet d’aucune mention spécifique dans les statistiques publiées par le CSR. Un « oubli » ou un choix délibéré du CSR ? …

Les requins marteaux halicornes ne sont pas les seules victimes collatérales. Les taux de survie indiqués par souci de communication positive ne reposent que sur les indications des pêcheurs. Une proie hameçonnée puis relâchée est réputée vivante si elle s’éloigne. En aucun cas on ne peut prendre au sérieux les tags spaghettis qui ont été utilisés (un tube en plastique agrafé sur une nageoire avec les informations de date et lieu de pêche). Quant aux tags acoustiques soi-disant garants de la viabilité de l’animal, qu’en sait-on réellement ? C’est totalement déclaratif à ce jour. D’ailleurs qui sont les scientifiques qui s’occupent de ce projet … s’il existe vraiment ?

Un discours officiel qui se mord la queue

D’ailleurs, cette « crise requin » à La Réunion a propulsé sur le devant de la scène depuis 2011 une technique abondamment utilisée par le CSR et autres « pinpins » locaux dont celui arrivé à un poste d’élu sans l’avoir été. De quoi s’agit-il ? D’un raisonnement vide de sens, qui démontre de façon simplement déclarative – par le simple fait de le dire – ce qui a été admis au départ, sans nulle autre vérification. Un discours qui se mord la queue, en somme ! Ce raisonnement imbécile vide également les poches des contribuables, ainsi que l’océan d’espèces indispensables à son équilibre. En attendant, nous continuerons de suivre les chiffres des sources officielles de la pêche au requin à La Réunion.