La Réunion : le surf fait son retour officiellement

À Saint-Leu, le surf fait son retour officiellement après de longs mois d’interdiction. Entre sécurité renforcée, polémique sur le risque requin, gestion contestée et massacres de requins, La Réunion peine à trouver l’équilibre entre passion et préservation.

Reprise du surf à Saint-Leu

La commune de Saint-Leu a annoncé la reprise encadrée des activités nautiques. Le 10 juin 2025, le maire a signé un nouvel arrêté municipal. Il a autorisé le retour du surf dans un cadre de sécurisation renforcée, en partenariat avec l’association RESSAC et son protocole de réduction du risque requin. Cela prête à sourire car les surfeurs de La Réunion n’ont jamais arrêté de surfer malgré les interdictions. Et ils n’ont jamais été verbalisés.

Ce dispositif, soi-disant attendu depuis plusieurs mois par la communauté des surfeurs, est consultable. On peut le trouver sur le Registre des Actes Administratifs (RAA) de la commune, dans la rubrique arrêtés municipaux datée du 10 juin 2025.

Un dispositif de sécurité renforcé… mais inégal

Selon le protocole officiel, les surfeurs ont l’obligation de porter un dispositif de répulsion électrique individuel (DREI) sur l’ensemble des spots de Saint-Leu. Une seule exception subsiste : la Passe du Port, zone peu profonde située sur le récif. À cet endroit, le DREI n’est que « fortement conseillé ».
Un choix qui interroge : les requins ne connaissent ni frontières administratives, ni signalisation humaine … Cette incohérence réglementaire met en évidence les limites du dispositif et la difficulté persistante d’une cohabitation durable entre l’homme et le requin à La Réunion.

Chaque année, le préfet de La Réunion publie un arrêté d’interdiction du surf (le dernier en date : n°297 du 12 février 2025). En pratique, les surfeurs locaux ignorent massivement cet arrêté, et continuent de fréquenter les spots malgré les risques. Ces derniers ne tiennent pas beaucoup plus compte des conditions météo et des recommandations de prudence qui en découlent.

Un danger reconnu… mais une réglementation bafouée

Plus surprenant encore, le préfet lui-même reconnaît publiquement le danger, sans pour autant faire appliquer les mesures qu’il signe. Ni imposer des mesures non létales efficaces qu’il ignore. Cette situation paradoxale contribue à maintenir une zone grise juridique et sécuritaire, où chacun agit selon sa propre évaluation du risque. La seule mesure maintenue depuis 13 ans est celle du massacre des requins.

En effet, les populations de requins continuent de subir une pression de pêche injustifiée : près de 97 % des requins tigres capturés ne sont pas impliqués dans les accidents. Une politique de destruction non sécuritaire, coûteuse et contraire aux principes de préservation de la biodiversité marine.

Le Centre Sécurité Requin en crise

Le Centre Sécurité Requin (CSR), censé coordonner la prévention et la sécurité des activités nautiques, est plus encore aujourd’hui dans la tourmente. Le média Clicanoo a récemment révélé une série de tensions internes. Entre autres : climat délétère, départs en cascade de salariés et accusations de gestion autoritaire visant son directeur, décrit comme brutal et méprisant envers son personnel. Ces révélations jettent une lumière crue sur un organisme censé incarner la sécurité et la transparence, mais qui est miné depuis sa création par des conflits de gouvernance.

Difficile, dans ces conditions, d’espérer une politique cohérente de prévention du risque requin à La Réunion. Doit-on rappeler les conditions qui ont mené à la création du CSR et à qui cette « création » a profité ?

Pour une vraie cohabitation homme-requin

L’affaire de Saint-Leu illustre une fois de plus les contradictions profondes du modèle réunionnais de « gestion du risque requin » :

  • une réglementation inappliquée et pas toujours applicable,
  • une communication confuse,
  • et une politique de prélèvements destructrice pour les écosystèmes marins, les requins n’étant pas les seules victimes de cette politique.

Plutôt que de multiplier les arrêtés symboliques et les mesures inefficaces, La Réunion gagnerait à engager une réflexion de fond sur la cohabitation durable entre les humains et les requins, fondée sur la science, la pédagogie et la responsabilité collective. Avec de vrais spécialistes.