La Réunion poursuit la pêche au requin pour 4 ans

Le Centre Sécurité Requins de La Réunion poursuit la pêche au requin pour 4 ans avec l’attribution de 10 lots de pêche au requin pour la période 2022-2026, pour un montant estimé hors TVA de 4,7 millions d’euros.

Pas beaucoup de bruit autour de cet « avis d’appel public à la concurrence » pour cette nouvelle campagne de pêche organisée par le Centre de Sécurité requins (CSR) de La Réunion. Pourtant, la somme est rondelette : 4,7 millions d’euros hors TVA. C’est beaucoup pour une pêche reconnue aujourd’hui comme inefficace par rapport à son objectif de sécurisation de l’océan. Surtout qu’elle est dévastatrice pour la biodiversité marine aux abords de l’île. En effet, presque 70% des prises résultant de cette pêche de prévention sont dites « accessoires » car elles ne correspondent pas aux espèces ciblées, à savoir le requin bouledogue et le requin tigre. Autrement dit, des animaux prélevés pour …rien. Sauf pour justifier l’existence du CSR et les subventions qu’il perçoit.

Pourtant, en mars dernier, le comité français de l’UICN a rendu son rapport et recommande de préserver les requins plutôt que de pratiquer une pêche assassine, reconnaissant l’importance du rôle des requins dans l’équilibre des océans. Mais cela n’affecte en rien les projets peu clairs du CSR et de leurs amis pêcheurs.

Rappelons que la zone de pêche couvre environ 25 km du littoral et que la pose des appâts se fait au plus près des côtes. Ce qui augmente le risque pour les usagers de la mer au lieu de le prévenir. Tout semble fait à l’envers du bien-être public ! Mais les comptes sont bons : on reste entre-soi à se distribuer de jolies cagnottes, discrètement.

Détails des lots de cet accord-cadre

Ainsi, sept lots sur dix concernent la pose des palangres, donc les pêcheurs directement. Pas plus de 2 adjudicataires par lot (=pêcheurs « assermentés » par le CSR). Ces derniers peuvent proposer leurs services pour chaque lot. Durée du contrat : 12 mois, reconductible 3 fois par tacite reconduction, soit pour 4 ans au total. A vos calculettes ! Les sommes indiquées concernent une mission de pêche sur 12 mois sur les sites de :

Saint-Paul : 71000€ HT ; Saint-Gilles : 73000€ HT ; Trois-Bassins : 65000€ HT ; Saint-Leu : 69000€ HT ; l’Etang-Salé : 54000€ HT ; Saint-Pierre : 62000€ HT ; Sainte-Marie/Est : 16000€ HT. Donc, un total estimé pour la pêche de 1640000 € HT sur 4 ans. Un chiffre d’affaires garanti qui fait rêver.

Le lot 8 correspond à la coordination opérationnelle des actions de pêche, pour 18000€ HT, sur 12 mois et 72000€ HT sur 4 ans. On a hâte de voir qui sera le gagnant …

Le lot 10 correspond à la logistique pour la récupération et la dissection des captures pour 80000€ HT, sur 12 mois, donc 320000€ HT sur 4 ans. Ce sont les « experts » de l’Université de La Réunion qui vont être contents !

Quid du Lot 9 « Assistance qualité à la relâche »?

Titre assez mystérieux. La description du lot précise qu’il « concerne uniquement la mobilisation d’assistants qualité à la relâche, missionnés par le CSR pour intervenir en toute indépendance » des pêcheurs adjudicataires. « Ces assistants ont pour mission d’apporter un support au pêcheur pour la manipulation des espèces capturées afin d’améliorer les temps d’intervention et les conditions de relâche des prises. Ils doivent être mobilisables dans les mêmes conditions que les pêcheurs titulaires des lots d’exécution de pêche. » Et donc, combien seront-ils ? Quelles sont les qualifications requises (à part être copains avec le CRS) ? Quel est leur rôle pour 90000€ HT par an, mise à part à aider à décrocher les animaux capturés ? Bonne nouvelle, le texte précise que le lot 9 ne peut pas être attribué à un pêcheur déjà adjudicataire d’un lot. Mais si c’est un autre pêcheur, ça ne dérange pas. Bref, on a perdu les observateurs « neutres » de la précédente campagne. Il faut dire que le CRS ne les a pas beaucoup sollicités avec une présence moyenne de 6% sur les sorties des pêcheurs.

On additionne et on soustrait…

L’appel à concurrence de CSR prévient qu’il s’agit de « montants estimés ». Toutefois, en additionnant tout ça, et en multipliant le montant par 4 pour la période 2022-2026, on arrive à …2392000€ hors TVA. Sauf erreur de notre part. On est loin des 4700000€ hors TVA puisqu’il « manque » 2308000€. Pour les faux frais ? Les aléas de la campagne de pêche ? Les primes diverses et variées ? Les salaires du CSR ? L’achat d’appâts ? En tout cas, on n’a rien trouvé dans le document très officiel de l’appel à la concurrence

Il n’est pas trop tard si vous êtes intéressés : la remise des offres a été repoussée au 12 mai 2022 à midi.