La Réunion : analyse du rapport des observateurs de pêche au requin

Source : Centre Sécurité Requin © DR – Photo de couverture du rapport accessible au public.

De qui se moque-t-on au Centre de Sécurité Requin de La Réunion ? Du public, de tout le monde ! Le CSR pêche à tour de bras – y compris pendant les confinements et les couvre-feux. Pourtant, le nombre de sorties embarquées avec observateur est ridiculement bas, voire anecdotique : le rapport annonce 7,3% mais selon les mathématiques classiques, on arrive à un taux de 5,7% (17 sur 297?)…

« Au total sur la période [3 mois], 778 palangres avec alerte de capture (PAVAC*) ont été déployées au cours de 297 sorties. Parmi ces 297 opérations de pêche, 17 ont été suivies en observations embarquées et 20 à la débarque. »

Centre Sécurité Requin – Rapport trimestriel N°10 paru le 19 mai 2021

Pourtant le CSR se vante d’avoir à bord de ses bateaux de pêche des observateurs, dont la neutralité est questionnable. En effet, c’est le CSR qui les rémunère, semble-t-il (à confirmer). On n’est jamais mieux servi que par soi-même, n’est-ce pas? Quant à la parution de leurs rapports de pêche, le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle est totalement aléatoire. Preuve en est : le 19 mai 2021, c’est le rapport n°10 concernant la pêche sur les mois de septembre, octobre et novembre 2020 qui a paru!!! Il ne faut pas être pressé …

Un rapport longtemps attendu mais vide de contenu

A lire ce rapport, on est consterné par le vide sidéral de son contenu. Outre le fait qu’il paraît 6 mois après, on aurait pu espérer une cohérence des informations chichement délivrées. Et bien non. Sont-ce les observateurs qui ne font pas correctement leur travail ? Ou la relecture-censure par le CSR ? On ne saura jamais. Quoiqu’il en soit, les aberrations se succèdent. Selon le rapport, les observations embarquées ont représenté 7,3% de l’effort de pêche, soit quasiment rien comme d’habitude (cf. les précédents rapports). D’où sort ce chiffre ? Le rapport indique 297 sorties dont 17 observées, soit, selon nos calculs, plutôt 5,7% …. encore moins donc.

Et quelle est la fiabilité des observations à « la débarque » ? Elles sont plus nombreuses que celles embarquées (20), plus faciles sans doute, mais certainement moins contraignantes pour les pêcheurs, et probablement moins fiables aussi. Et il y a également les observations filmées par les pêcheurs eux-mêmes, auxquelles nous n’avons évidemment pas accès. On pourrait en rire « pour ne pas être obligé d’en pleurer »…. On les passe sous silence, sauf pour préciser qu’une sortie n’a pu être filmée car la carte mémoire de l’appareil était pleine…

100% conforme … à quoi ?

En continuant la lecture de ce rapport (lisez-le : ça ne prend que quelques minutes malgré les 31 pages annoncées!), tout va bien : 100% des observations observées sont conformes. On ne sait pas bien à quoi, mais probablement aux protocoles établis par on-ne-sait-qui rémunérés par le CSR. Mais c’est conforme, c’est le principal, non ? Et puis 100% de conformité sur 7% de sorties, ça laisse de la marge pour les erreurs sur 93% des sorties en pêche restants, non ? Quant aux 17 pages d’annexes, elles sont quasiment vides.

Extrait du rapport : « Pour ce neuvième trimestre du programme de pêche, la couverture prévisionnelle des sorties par les observateurs était de l’ordre de 10% (effort de contrôle de routine). Un total de 30 observations a été commandé suivant la répartition présentée dans le tableau page suivante. Le présent rapport concerne la période du 01/09/2020 au 30/11/2020. »

Centre Sécurité Requin – Rapport trimestriel N°10 paru le 19 mai 2021

17 sorties en pêche observées sur 297 réalisées en trois mois

Donc, si on lit attentivement, 30 sorties couvertes par les observateurs (embarquées + à la débarque) représentent environ 10% des sorties. Plus loin, le nombre de sorties indiquées est de 297 sur 3 mois, dont 280 SANS observateurs embarqués. Et les prises cibles indiquées ne concernent que les 17 sorties AVEC observateurs : 3 requins-tigres et 1 requin-bouledogue qui mesure à la fois 130cm et 190 cm (!!), tous capturés « vifs ». Il y aussi les prises accessoires « relâchées » fatiguées, comme ce requin pointe blanche Carcharhinus albimarginatus ou ces petits requins sagrins des profondeurs (Loxodon macrorhinus)…A peine quelques prises accessoires semble-t-il, mais on oublie aisément qu’il s’agit de 5% des sorties sur 3 mois. Autant dire que ces chiffres ne sont pas représentatifs de ce qui se passe réellement sur le terrain.

Page 2 du rapport trimestriel n°10 : alors, un ou deux requins bouledogues ?

Des questions sans réponses

On aimerait savoir qui sont ces observateurs ? Qui les rémunèrent ? Pourquoi leurs rapports tardent-ils tant à sortir ? Pourquoi sont-ils à ce point édulcorés ? Ces rapports sont-ils « corrigés » par le CSR ? Pourquoi n’y a-t-il aucune photo ? Pourquoi n’a-t-on pas accès aux vidéos ? Et surtout, pourquoi sont-ils si peu présents sur les lieux des crimes ? Un mot qui a sans doute tout son sens : le mot « commandé » (« Un total de 30 observations a été commandé »). Donc le CSR est bien le responsable d’un si faible taux de sorties observées.

En cherchant, on trouve quelques réponses sur les observateurs. Le Bureau d’études OCEA Consult’ contribue à cette mascarade de rapport. Il semble pourtant avoir une équipe scientifique très qualifiée ; il est vrai que leur coopération avec le CSR ne figure pas – à ce jour- dans leur liste de références sur leur site. Egalement cité sur la couverture du rapport, le GIE MAREX qui est un groupement d’experts également très qualifiés. Eux aussi préfèrent éviter de mentionner le CSR dans la longue liste de leurs partenaires. Quant à Blue Planet, la recherche renvoie aux rapports des observateurs : on tourne en rond sans découvrir de qui il retourne ; à priori en lien avec le GIE MAREX. Faire autant d’études pour se commettre avec cette tartuferie de programme de pêche du CSR : dommage.

  • PAVAC : PAlangre Verticale avec Alerte de Capture