17 espèces de raies et requins classées menacées d’extinction
Selon l’UICN, « la situation est bien pire qu’on ne l’avait imaginée ».
Les requins sont menacés d’extinction, victimes des humains. Tués pour leur chair, leurs ailerons, l’huile de leurs foies (squalène), la peur qu’ils inspirent, leur extermination génère beaucoup d’argent (« shark business »). Si jusqu’à récemment, ces poissons cartilagineux étaient régulièrement « oubliés » des classements, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a publié jeudi 21 mars 2019 un bilan détaillé et très inquiétant. Ce premier bilan concerne 58 espèces, dont 17 sont désormais considérées comme menacées d’extinction.
Le GSR, groupe de spécialistes des requins de l’UICN, est constitué de 174 experts issus de 55 pays. Nicholas Dulvy, coprésident du GSR et professeur à l’université canadienne Simon Fraser, a déclaré : « Nos résultats sont alarmants, mais n’ont rien de surprenant. En effet, nous constatons que les requins qui ont une croissance particulièrement lente, qui sont très recherchés et qui ne bénéficient pas de mesures de protection contre la surpêche sont généralement les plus menacés. (…) ».
extrait du Communiqué de presse UICN
« Les menaces qui pèsent sur les raies et les requins ne cessent d’augmenter. Pourtant, les pays du monde entier ne se montrent toujours pas à la hauteur de leurs engagements de conservation, en particulier en ce qui concerne les limites de captures minimales », explique Sonja Fordham, présidente adjointe du GSR travaillant pour Shark Advocates International, un projet de The Ocean Foundation. « Nous devons agir au plus vite. »
extrait du Communiqué de Presse de UICN
Adoption immédiate de limites de capture et interdiction du débarquement des espèces « en danger » ou « en danger critique d’extinction »
Pour les animaux terrestres, les experts s’intéressent aux tailles de populations et à la répartition géographique. Pour les animaux marins, ils étudient le rythme du déclin des effectifs. Cela nécessite des points de référence, ce qui est délicat surtout en pleine mer. Depuis seulement une dizaine d’années, les scientifiques ont pu établir ces points de départ, à l’aide notamment des informations venant thoniers, ces derniers étant maintenant contraints de recenser leurs prises accessoires, comme les prises de requins. « Au bout de dix ans, on sait que la situation est bien pire qu’on ne l’avait imaginé« , déclare M. Dulvy. « Dans l’océan Indien, au large des côtes de la mer d’Arabie et du golfe du Bengale, les pêcheries de thon sont en fait des pêcheries de requin, avec des prises accessoires de thon », note M. Dulvy.
Les experts de l’UICN appellent donc à « l’adoption immédiate de limites de capture, ainsi qu’à l’interdiction du débarquement des espèces « en danger » ou « en danger critique d’extinction ». Le projet Tendances mondiales des requins (Global Shark Trends) du GSR doit évaluer le risque d’extinction de tous les requins, raies et chimères d’ici 2020 : https://www.iucnssg.org/global-shark-trends-project.html . Financé par le Shark Conservation Fund, le projet est dirigé par l’université Simon Fraser et les universités australiennes Charles Darwin et James Cook, en partenariat avec l’Aquarium de Géorgie.
Une régulation de la pêche sera-t-elle suffisante pour éviter l’extinction ?
En mai 2019, , sur proposition mexicaine, les États devront se prononcer pour ou contre l’inscription des requins-taupes à l’annexe II de la CITES (Convention sur le commerce international d’espèces de faune et de flore menacées d’extinction). L’inscription imposerait une régulation de leur pêche. Ce serait déjà bien. Si l’inscription est votée, ce qui est loin d’être garanti, alors les questions seront : à quelle échéance et avec quels moyens pourra-t-on mettre en place cette régulation ? La biologie des requins (maturité sexuelle souvent tardive, complexité à trouver un partenaire, gestation longue, mortalité des jeunes) les fragilise. A ces difficultés naturelles s’ajoute la trop forte pression halieutique. Le risque est désormais d’intervenir trop tard pour pouvoir conserver ces espèces. Il faudrait interdire tout de suite leur pêche. Et mettre en place les moyens nécessaires au respect de cette interdiction. Au moins en attendant « la reconstitution des stocks » pour toutes les espèces concernées … et aussi pour celles qui figurent sous la mention « données insuffisantes ».
Les espèces concernées
Le requin-taupe bleu (Isurus oxyrinchus) et le petit requin-taupe (Isurus paucus) sont passés de la catégorie « vulnérable » à la catégorie « en danger ». L’état de la population du requin taupe bleu est préoccupante dans le monde entier, avec notamment un déclin de 60 % dans l’Atlantique en l’espace d’environ 75 ans.
Il y a aussi l’aiguillat aux yeux verts (Squalus chloroculus), dont la gestation de près de trois ans est la plus longue du règne animal. L’espèce est classée comme étant “en danger”. Viennent ensuite « les neuf requins australiens qui demeurent en grand danger sont pour l’essentiel des espèces d’eau profonde. Leur croissance est exceptionnellement lente. Ils sont par conséquent mal équipées pour résister à une pression halieutique même modeste », déclare Peter Kyne, chercheur à l’université Charles Darwin et coordinateur de l’autorité pour la Liste rouge, le GSR. Pour en savoir plus : https://www.iucnredlist.org/search?query=carcharhinus&searchType=species
Pour rappel, les requins comptent à ce jour 546 espèces et les raies un peu plus de 600 espèces. Dans cette nouvelle Liste rouge, seules six espèces sont classées en « danger critique », dont trois pour la première fois. Onze autres sont soit « en danger », soit « vulnérables ». Selon une étude de 2013, quelque 100 millions d’entre eux sont pêchés chaque année. Pas de chiffres connus pour les raies.