Nausicaà : « sélection » non naturelle

Tous les requins marteaux prélevés dans la nature pour rejoindre l’aquarium géant de Nausicaà et en devenir le symbole sont morts. Pourtant, M. Valette, Directeur de Nausicaà, assurait que ces prélèvements de requins juvéniles dans la nature les sauveraient d’une mort certaine. Il se trompait. Lourdement.

20 requins en 2011 + 10 requins en 2018 = 30 morts

Dès 2011, vingt requins marteaux juvéniles  (Sphyrna lewini) sont prélevés dans leur milieu naturel en Australie (côte Nord-Est ) pour être envoyés à Boulogne-sur-Mer. Le coût financier de ce premier achat est de 652 750 €, soit environ 33 000 € par requin. En avril 2018, sept ans après, Nausicaà achète dix nouveaux bébés requins-marteaux en provenance d’Australie. Mais neuf de ces dix individus meurent à leur tour. Il y a moins de deux mois, le 10ème bébé requin marteau arrivé en 2018 est mort. Puis, finalement, le dernier requin marteau, unique rescapé du premier prélèvement et âgé de 8 ans, est mort à son tour. Il a d’abord cessé de s’alimenter (suite aux décès de ces congénères?), puis a été placé en bassin d’isolement pour être observé et soigné (?) pendant un peu moins d’un mois. On ne sait pas ce qui s’est passé, pour aucun des requins prélevés.

La sélection naturelle offre une chance … pas les prélèvements.

Nausicaà avait choisi cette espèce comme symbole des océans et de son nouveau bassin géant. Dans son communiqué de presse, Nausicaà précise : « l’espèce est très menacée, notamment à cause de la pêche à l’aileron et du braconnage qui entraînent une forte diminution de sa population.  » De fait, Nausicaà prélève 30 requins pour les sauver, en quelque sorte. Il est vrai que sur la côte Est de l’Australie, ces animaux ne seraient pas menacés… Donc, on peut en profiter, n’est-ce pas ? Nausicaà nous explique également que : « Nausicaá avait fait le choix de prélever ce requin marteau à un stade juvénile avant que la sélection naturelle ne s’opère pour limiter l’impact de ce prélèvement. » – Petite précision : il ne s’agit pas d’un seul animal comme on pourrait le croire, mais de… TRENTE REQUINS MARTEAUX !! Question : en quoi le prélèvement au stade juvénile limite l’impact …. du prélèvement ??? Ahhh : parce que les bébés requins se font manger. Ok, mais ça, c’est naturel, non ? Alors que des prélèvements pour les mettre dans un aquarium « pour les sauver »….hum hum …. pas très naturel tout ça, et en plus, on atteint 100% de mortalité (en moins d’un an pour le dernier prélèvement).

Une communication qui s’embourbe

Ce doit être assez délicat pour le service Communications de Nausicaà. Continuons d’éplucher le communiqué : « La présence du requin marteau à Nausicaá avait pour mission de sensibiliser nos visiteurs à la beauté et à la fragilité de cet animal, de mieux le connaître et observer ses comportements pour apprendre à le protéger encore mieux dans son milieu naturel. » Ok pour la sensibilisation du public. On se doute que c’est aussi pour faire de l’argent étant donné les sommes investies. On n’est pas dans la science pure. Il faut attirer le public : le plein tarif en 2019 est tout de même de 25,90€/personne. En revanche, « observer ses comportements pour apprendre à le protéger encore mieux dans son milieu naturel.« ….euh, là, c’est raté vu qu’ils sont tous morts, mais surtout comment peut-on penser qu’un animal en aquarium aura le même comportement qu’un animal en liberté ?? On sait aujourd’hui que les animaux privés de leur liberté n’agissent pas comme ceux qui sont libres.

Enfin, Nausicaà nous rassure – et s’offre une bonne conscience : « Sur le terrain, Nausicaá soutient le travail de la Fondation Malpelo qui lutte contre la pêche illégale qui décime les populations de requins marteaux. Nausicaá est engagé aux côtés de la Fondation Malpelo dans un grand projet de marquage de ces requins, afin de suivre leurs déplacements. Grâce aux balises acoustiques et satellites posés sur les requins, les chercheurs en apprendront plus sur leur comportement migratoire, sur l’évolution de leur population, et pourront prendre des mesures en faveur de leur protection. » Donc, on ne prélève pas en Colombie parce là-bas, on aide la Fondation Malpello (rien n’est dit sur le grand projet de marquage : qui sont les scientifiques ? que font-ils? quel est le projet ?) Et Nausicaà reconnaît au passage que l’espèce est bien MIGRATOIRE … Dans ce cas, pourquoi garder ces animaux dans un lieu clos?

Conclusion : manque d’humilité ou cynisme à l’état brut ?

En conclusion, on ne pourra souligner que la tristesse de cette situation. Le personnel soignant de Nausicaà n’est pas en cause. Mais on peut s’interroger sur les compétences des décisionnaires. C’est un projet – comme tant d’autres… – qui n’aurait pas dû voir le jour car ayant un coût économique et écologique bien trop élevé. Si le travail d’études avait été fait soigneusement, cette situation, à savoir une mortalité de 100% dans les 10 premières années, aurait du être envisagée. Dans ce cas, la décision contre ce projet aurait dû l’emporter. Si l’hypothèse de 100% de mortalité a bien été évoquée et que le projet a été maintenu, il ne s’agit plus de tristesse et d’incompétence, mais de cynisme et d’argent : à quel prix estime-t-on la vie sauvage ? On ne se demande pas ce qui est le pire.